Les recherches conduites au sein de l’Unité d’Écologie des Poissons sur la reproduction du saumon atlantique (Salmo salar L.) ont porté plus particulièrement sur l’identification des différentes tactiques utilisées par les individus des deux sexes pour optimiser leur succès reproducteur dans différentes conditions environnementales. L’activité de frai du saumon atlantique est essentiellement nocturne et les femelles n’investissent pas dans le soin des jeunes. Elles sont territoriales et défendent vigoureusement leurs sites de ponte (frayères) contre les autres femelles. Elles semblent capables de modifier leur comportement de frai en fonction des caractéristiques de l’environnement physique (température, granulométrie du substrat), social (compétition territoriale, sexe-ratio opérationnel, attributs des mâles), et de leur état physiologique (stade d’ovulation, états physiques et énergétiques). Indépendamment de la taille des femelles, les mâles courtisent préférentiellement celles qui sont au début de leur activité de ponte plutôt que celles qui sont en fin d’activité; ces dernières réduisent leur comportement de construction du nid et libèrent une plus petite quantité d’œufs. La compétition pour féconder les œufs est très forte entre les mâles. Elle s’accentue durant les périodes qui précèdent le frai ou immédiatement après. Un mâle dominant, le plus actif et le plus coloré, émerge, mais il n’est pas nécessairement le plus gros. Il courtise la femelle, participe au frai puis part à la recherche d’autres femelles actives. Les analyses des enregistrements vidéo et de paternité indiquent cependant qu’il n’est pas le seul à féconder les œufs. Des tactiques alternatives permettent à des individus subordonnés d’obtenir un succès reproducteur élevé, particulièrement en situation de sexe-ratio opérationnel déséquilibré en faveur des femelles. De plus, certains mâles peuvent maturer précocement, avant de partir en mer, et, grâce à leur petite taille, échapper aux attaques des saumons anadromes et féconder une proportion élevée des œufs déposés (jusqu’à 65%). Le succès de ces tactiques alternatives de reproduction semble d’autant meilleur que l’habitat est hétérogène et fragmenté. La flexibilité des conduites individuelles permet au saumon d’optimiser son succès reproducteur en fonction des conditions intervenant sur les frayères.