Aspects historiques et heuristiques de l'ichtyologie systématique

Lecointre G.

Date de parution: décembre 1994
Volume: 18
Number: 4
Pagination: 339-430
Editeur: Société Française d'Ichtyologie
doi: https://doi.org/10.26028/cybium/1994-184-001
Résumé

Le terme de “Poissons” se réfère à un grade, c’est-à-dire un groupe sans histoire propre. On examine les causes du maintien du grade dans les classifications post-darwiniennes, en dépit du fait que Darwin ait formulé des objectifs hennigiens (sans toutefois être parvenu à les atteindre complètement). Puis on montre comment la phylogénie (et la classification) des Poissons fut brusquement bouleversée par l’application de la méthode de Hennig en ichtyologie. En cela, l’ichtyologie moderne s’inscrit dans un cadre de pensée darwinien-henningien, comme l’a souligné G. Nelson (1972). Enfin, dans la continuité de l’histoire de cette discipline, il convient d’examiner, d’une part, les apports de la phylogénie “moléculaire” en Ichtyologie systématique, en particulier en ce qui concerne la macro-phylogénie des Craniates et, d’autre part, d’ouvrir des perspectives en matière de gestion des conflits phylogénétiques. De tels conflits dépendent de nombreux paramètres initiaux des analyses, dont le choix de l’échantillonnage taxinomique de départ, paramètre qui sera plus particulièrement développé ici. L’échantillonnage des taxa constitue un des piliers de la pratique de la biologie comparée et n’est pourtant que relativement peu évoqué parmi les biologistes (Gould, 1985a ; Swofford et Olsen, 1990) ; Dupuis, 1992), et seulement depuis peu analysé (Lanyon, 1985 ; Smouse et al., 1991 ; Wheeler, 1992 ; Lecointre et al., 1993 ; Philippe et Douzery, sous presse). Il convient de souligner qu’aucun échantillonnage ne saurait être ni “objectif” ni “absolu”, c’est-à-dire ne saurait refléter de manière sûre une quelconque conception de l’ordre qui régit la diversité des organismes, puisque la pertinence de cet échantillonnage n’est pas testable (la totalité des organismes n’étant pas accessible, un tel test ferait appel à un autre échantillonnage…). Cette pertinence de l’échantillonnage en biologie comparée dépend en fait d’une adéquation entre un système de connaissances (conception a priori de l’ordre et de la diversité du vivant que possède l’expérimentateur) et un système de règles inhérentes à la pratique de la phylogénie. On montre que ces règles imposent des contraintes à l’échantillonnage d’espèces destiné à la construction de phylogénies moléculaires, et qu’il existe des cadres préétablis inadéquats à une telle pratique. Il convient également de souligner les risques réductionnistes de l’échantillonnage taxinomique tel qu’il est souvent pratiqué dans cette jeune science qu’est la phylogénie moléculaire, la relativité de la qualité présumée d’un échantillonnage, et, dans la pratique, l’infériorité en cette matière de la plupart des phylogénies moléculaires par rapport aux phylogénies fondées sur des caractéristiques morpho-anatomiques (incluant notamment les fossiles). Les phylogénies moléculaire ne donnent des résultats fiables que si elles reposent sur un échantillon de taxa suffisant, et suivant certaines règles pratiques qui sont évoquées.

Mots-clés: Cladistics - Ichthyology - Molecular phylogeny - Systematics - Taxonomic sampling
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